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4 janvier 2010 1 04 /01 /janvier /2010 06:53

L'Europe a son Président

van_rompuy_bis.jpgHerman Van Rompuy

Conséquence de l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la nomination d'un Président stable de l'Union Européenne sera la grande nouveauté de 2010 au niveau des institutions de l'Europe. Cette nouvelle fonction est censée prendre le pas sur les présidences tournantes assurées à tour de rôle par les états membres tous les six mois, mais sans les supprimer pour autant.

Avec l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, ce Président est élu pour 2 ans et demi renouvelables, par les chefs d'état et de gouvernements.

Herman Van Rompuy (né en 1947), ancien premier ministre chrétien-démocrate belge entre fonction le 1er janvier 2010.

 

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Jean-Pierre Stroobants, Journal Le Monde du 12 novembre 2009

Un Jocker belge dans le jeu européen

Ce jeudi 29 octobre 2009, à Bruxelles, Herman Van Rompuy est le premier à se diriger vers la sortie du Breydel, le bâtiment du Conseil européen. Les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept ont dîné ensemble, vaincu les dernières résistances tchèques au traité de Lisbonne, parlé de la prochaine conférence sur le climat et, un peu, de la présidence du Conseil européen. Un mandat de deux ans et demi renouvelable que le premier ministre chrétien-démocrate belge avait, murmurait-on, des chances de décrocher. Sans s'être jamais porté candidat, sans en avoir jamais parlé publiquement. C'est chose faite depuis jeudi 19 novembre 2009.

"Herman qui ?" s'interrogent l'Europe et les envoyés spéciaux de la presse rassemblés devant le Breydel. Herman passe. Entouré de son seul conseiller diplomatique, il déambule parmi des centaines de journalistes venus du monde entier, mais n'est tardivement reconnu que par deux ou trois d'entre eux. Gentiment, il s'arrête pour désamorcer quelques questions et certifie qu'à aucun moment il n'a été question de son avenir. Il va ensuite trinquer avec des journalistes belges. Toujours cordial, il répond aux questions sans donner l'once d'une indication sur ce qui s'est réellement dit à la table des Vingt-Sept.

Ancien étudiant du Collège jésuite et de l'Université catholique flamande de Louvain, où il a décroché un doctorat en économie, cet homme au visage lisse et serein aurait sans doute fait merveille dans les cénacles du Vatican. Il manie l'art de la diplomatie, de la litote et de la nuance. Il raffole aussi de l'art japonais du haïku, qui consiste à dire beaucoup en peu de mots. Œil vif et sourire en coin, il saute allégrement du néerlandais au français et, quand cela s'impose, de l'anglais à l'allemand. Mais il livre rarement sa pensée profonde sur le monde et sur les hommes.

Dans les années 1980, un caricaturiste le représentait en curé vêtu d'une soutane noire. Pas tellement parce qu'il était l'auteur d'un ouvrage intitulé Le Christianisme, une pensée moderne. Mais parce que, inaugurant sa première fonction ministérielle, un secrétariat d'Etat aux finances, il s'attaqua religieusement à sa passion : l'équilibre des finances publiques. Une sorte de vocation pour ce Flamand de Bruxelles, issu d'une génération qui reprocha aux précédentes d'avoir conduit le pays vers le surendettement et d'avoir ainsi sacrifié l'avenir par des compromis douteux et l'usage de ce que les Flamands appellent "la politique du gaufrier" : une gaufre pour les Flamands, une deuxième pour les Wallons. Une pour les "cathos", une pour les "socialos". Une pour les patrons, une pour les syndicats... Et tant pis pour l'addition, en bout de ligne.

Décrit comme baroque ou surréaliste, le royaume est surtout une construction d'une effroyable complexité et seuls ceux qui admettent ses règles - négociation permanente et donnant-donnant coûteux - ont une chance d'y faire des voix et une carrière. Herman Van Rompuy a fait la sienne grâce à un parti lui-même divisé en courants : au sein des démocrates-chrétiens flamands, il était l'un des leaders des conservateurs, Jean-Luc Dehaene incarnant l'aile proche du Mouvement ouvrier chrétien et des syndicats.

Une carrière, notamment, de président de parti, mais pas beaucoup de voix. Pas people et antidémago, HVR a toujours préféré la lecture d'un classique à une assemblée houleuse, une discussion avec des étudiants à un talk-show. C'est un peu contraint qu'il a accepté, il y a quelques semaines, d'apparaître enfin sur un plateau pour commenter, avec sa femme – la mère de ses quatre enfants –, ses vacances australiennes... en camping-car. Et c'est comme étonné de ce qui lui arrivait que, il y a quelques semaines, il a regagné son banc à la Chambre des députés : de longs applaudissements saluaient son discours de rentrée. Il a souri, il a légèrement rougi.

A 62 ans, il semblait découvrir le sens du mot "popularité" et, pour la première fois peut-être, goûter vraiment à la fonction de premier ministre, dont il avait longtemps affirmé qu'elle ne l'intéressait pas. Mais la chute d'Yves Leterme, son prédécesseur et collègue au sein du Parti chrétien-démocrate et flamand (CD & V), ainsi que les pressions conjuguées du palais royal, des partis francophones et des barons de sa formation l'ont amené à assumer ce qu'il semblait vivre comme un austère devoir, en décembre 2008. "On a juste oublié qu'il a lui-même contribué à la chute de Leterme en révélant la lettre d'un magistrat sur la possible implication du premier ministre d'alors dans un scandale bancaire", raille, sous le couvert de l'anonymat, un député libéral francophone. Depuis, M. Leterme a été blanchi.

"Cet épisode fut du Van Rompuy à l'état pur, commente un ancien cadre du Parti chrétien-démocrate. Sous son apparente modestie et son humour se cache un profond cynisme. Cet homme peut tuer ses rivaux sans laisser de traces..." Il peut être inflexible mais a toujours l'intelligence de négocier, "ce qui ne veut pas dire qu'il faille toujours attendre de lui un acte généreux", sourit un ministre. "C'est un négociateur très dur. Je me souviens d'un président de parti qui prenait systématiquement une douche pour se détendre après un tel exercice", ironise un autre responsable.

"Herman le gentil" aurait-il donc une face cachée ? Beaucoup racontent comment ce redoutable intellectuel peut, sous un air débonnaire, cacher une froide détermination. "Il a des qualités, mais le sacraliser, comme le font aujourd'hui certains francophones, c'est oublier qu'il est notamment un Flamand pointu, doté d'une forte détermination à défendre les intérêts de sa communauté. Il n'est ni un saint, ni un sage, ni un modéré sur le plan institutionnel", commente un ministre, membre d'un parti qui gouverne actuellement, en coalition avec le parti de M. Van Rompuy...

Les Belges, eux, semblent apprécier que l'improbable premier ministre ait pacifié leur pays en un temps record, après une année et demie de crise. Jusqu'à conférer parfois à M. Van Rompuy l'étiquette de sauveur de la nation. Essentiellement soucieux de se démarquer des pratiques brutales et brouillonnes de M. Leterme, le premier ministre présente en fait un bilan assez mitigé. Il n'a notamment pas résolu la question lancinante de l'arrondissement de Bruxelles, que les partis flamands veulent scinder, ce qui mettrait en péril les droits linguistiques et électoraux des francophones vivant sur le sol flamand.

Qu'importe : la sagesse de l'intéressé et le fait que la Belgique n'évoque plus quotidiennement sa propre disparition ont suffi à assurer à M. Van Rompuy une image de possible grand dirigeant européen. Parle-t-il, en fait, d'Europe ? Selon l'ancien ministre Mark Eyskens, son collègue de parti, "il suit de près son évolution". Cela n'inquiète pas. Au contraire. "L'Europe est dans une phase où elle a besoin de gestionnaires, pas de visionnaires", sourit le politologue Jean-Michel De Waele, de l'Université libre de Bruxelles.

Source : <. http://www.lemonde.fr/europe/article/2009/11/12/herman-van-rompuy-un-joker-belge-dans-le-jeu-europeen_1266198_3214.html#ens_id=1259173

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Philippe Ricard du Journal Le Monde du 4 janvier 2010

Une direction bicéphale pour l'Union européenne 

"Quelques images pour les télévisions, pas de discours, ni de mise en scène ostentatoire. Herman Van Rompuy n'a pas dérogé à ses habitudes au moment de prendre la présidence du Conseil européen, lundi 4 janvier à Bruxelles : la discrétion, l'ancien premier ministre belge, peu médiatique, en a fait sa marque de fabrique tout au long de sa vie politique. En le préférant, pour son nouveau poste, à des personnalités plus en vue, comme l'ex-premier ministre britannique Tony Blair, les vingt-sept chefs d'Etat et de gouvernement ont d'ailleurs misé sur sa réputation quasi monacale pour remettre de l'ordre dans la maison européenne. M. Van Rompuy entend agir sur trois niveaux pour asseoir au plus vite son autorité.

Les vingt-sept chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, réunis à Bruxelles, choisissent, en application du traité de Lisbonne, le Belge Herman Van Rompuy pour être le président du Conseil européen, et la Britannique Catherine Ashton pour diriger la diplomatie de l'UE.

1er janvier 2010

L'UE inaugure la direction bicéphale incarnée par M. Van Rompuy et une présidence tournante espagnole les six prochains mois.
   
Premier défi : mettre à profit les six prochains mois pour roder le fonctionnement des nouvelles institutions européennes
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Avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, les règles du jeu ont changé. M. Van Rompuy a ainsi l'inédite mission d'animer les travaux collectifs des chefs d'Etat et de gouvernement, tout en les représentant sur la scène internationale.

Pour ce faire, l'ancien premier ministre belge se doit de prendre le dessus sur la présidence tournante - assurée par l'Espagne depuis le 1er janvier - que le nouveau traité n'a pas supprimée. Afin de faire taire ceux qui craignent des frictions à venir, le premier ministre espagnol, José Luis Zapatero, et Herman Van Rompuy ont cosigné, lundi 4 janvier dans plusieurs journaux européens, une tribune où ils promettent de "consolider le nouvel ordre institutionnel dans un esprit de coopération et de loyauté".

Deuxième défi : se faire connaître auprès de ses pairs, pour améliorer la cohésion entre les vingt-sept chefs d'Etat et de gouvernement

M. Van Rompuy n'a pas l'intention de voler la vedette aux poids lourds du Conseil européen, comme Angela Merkel ou Nicolas Sarkozy. Afin de s'imposer, il doit cependant être en contact étroit avec ceux qui l'ont désigné, alors que certains le connaissent peu, ou ambitionnaient, à l'instar du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, d'occuper son poste. M. Van Rompuy, qui s'est déjà rendu à Paris début décembre 2009, veut donc poursuivre le tour d'Europe entamé au lendemain de sa nomination. Il sera en Espagne le 8 janvier. Il ira ensuite en Grèce, à Chypre, à Malte, puis en Allemagne.

Pour gérer ces relations, l'ancien premier ministre belge disposera d'un cabinet d'une vingtaine de personnes, dirigé par un diplomate de haut vol, Frans Van Daele, ancien représentant de la Belgique auprès des institutions européennes, de l'OTAN, et ex-ambassadeur à Washington. Cette petite équipe, dont la composition n'est pas encore bouclée définitivement, sera représentative de différentes nationalités européennes et composée de membres issus des institutions bruxelloises et des pays. Elle pourra s'appuyer sur le secrétariat général du Conseil (quelque 3 500 fonctionnaires, contre 25 000 à la Commission européenne), dirigé par le Français Pierre de Boissieu.

A terme, M. Van Rompuy sera aussi en contact étroit avec le service diplomatique commun, lequel sera cependant placé sous l'autorité directe de la haute représentante pour les affaires étrangères, la Britannique Catherine Ashton, par ailleurs vice-présidente de la Commission et proche de son président, José Manuel Barroso.

Troisième défi : agir sur le fond des dossiers, pour mieux orienter les travaux de la Commission

M. Van Rompuy entend être à la pointe du débat sur toutes les questions clefs. Il place son début de mandat sous le signe de l'économie, à l'heure où la crise continue de faire des ravages en Europe.

A son initiative, un premier sommet informel devrait se tenir le 10 ou 11 février à Bruxelles pour "muscler" la stratégie économique de l'Union. Cette date ne doit rien au hasard, au moment où M. Barroso consulte sur la façon de refondre l'agenda qui ambitionnait, en vain, de faire de l'Europe la région la plus compétitive du monde en une décennie. Consolidation budgétaire, réformes structurelles, sortie de crise, les Vingt-Sept se doivent, selon MM. Van Rompuy et Zapatero, d'"intensifier leur coopération pour stimuler la reprise économique".

Pour peser sur les choix de la Commission, M. Van Rompuy compte rencontrer M. Barroso une fois par semaine. Il se réserve aussi la possibilité de convoquer d'autres sommets informels entre chefs d'Etat et de gouvernement sur les sujets qu'il estimera prioritaires, comme l'énergie, ou le budget. En revanche, le chrétien-démocrate flamand marchera sur des oeufs au sujet des frontières de l'Europe et de l'élargissement. Plutôt opposé à l'adhésion de la Turquie, il a prévenu dès sa nomination que son opinion serait, sur cette question sensible, "subordonnée à celle du Conseil". Fin de l'article.

Source : http://www.lemonde.fr/europe/article/2010/01/04/trois-defis-attendent-le-president-du-conseil-europeen-herman-van-rompuy_1287195_3214.html

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