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13 août 2009 4 13 /08 /août /2009 06:38

Extrait de l’avis N°106 du Comité Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé, France


II.3. Droits et libertés à l’épreuve de la pandémie

 

La France est un Etat de droit, c'est à dire que l'action des pouvoirs publics y est régie par le principe de légalité. Mais selon les termes de Montesquieu « il y a des cas où il faut mettre, pour un moment, un voile sur la Liberté, comme l'on cache les statues des dieux ».

Deux situations peuvent justifier cette parenthèse dans l’application du droit législatif : l'état de siège et l'état d'urgence, d'une part, la théorie des circonstances exceptionnelles, d'autre part : 

-L'état de siège ou l'état d'urgence sont décidés par décret pour réagir à une situation « hors normes ». C’est par le biais de la loi n°55-385 du 3 avril 1955, que l’état d'urgence pourrait être mise en oeuvre par décret en conseil des ministres. Elle permettrait notamment d'instituer, par arrêté préfectoral, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes serait règlementé. L’état d’urgence autorise donc une extension des pouvoirs normaux de l'Administration pour faire face à ce type de situation.

-La théorie des circonstances exceptionnelles, mise au point par le Conseil d'Etat repose sur la constatation que, parfois, du fait des circonstances, l'Administration est dans l'impossibilité d'agir conformément aux principes ordinaires de la légalité. Dès lors, pour assurer les besoins de la défense nationale, du rétablissement de l'ordre, et de la continuité des services publics essentiels à la vie nationale ou locale, l'autorité publique peut prendre, à titre provisoire, les mesures imposées par les circonstances, sans respecter ni les procédures habituelles, ni la législation en vigueur. Le gouvernement peut ainsi, par décret, suspendre l'application d'une loi (CE 28 juin 1918 Heyries); il peut aussi porter atteinte aux libertés (CE 18 mai 1983 Rodes); les administrés peuvent même se substituer aux autorités défaillantes pour édicter des mesures temporaires s'imposant aux citoyens (CE 5 mars 1948 Marion).

Nul doute que dans le cas d'une pandémie grave et intervenant brutalement, le Gouvernement pourrait prendre, soit sur le fondement d'un décret proclamant l'état d'urgence, soit sur la base de la théorie des circonstances exceptionnelles, des mesures telles que la réquisition ou le confinement de certaines catégories de citoyens, ou des restrictions à la circulation.

Les restrictions générales ou particulières qui peuvent être imposées aux citoyens doivent, selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, qui se trouve reprise dans les principes dits de Syracuse (Principes de Syracuse concernant les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui autorisent des restrictions ou des dérogations. E/CN.4/1985/4) dégagés par l’OMS : 

-être décidées et appliquées conformément à la loi, 

-être conformes à un objectif légitime d’intérêt général, 

-être strictement nécessaires pour atteindre cet objectif, sans comporter de mesure déraisonnable ou discriminatoire, et être définies compte tenu des données acquises de la science. Il faut rappeler enfin, que le législateur est intervenu préventivement par la loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur, notamment aux articles L 3131-1 et L 3131-2 du Code de la santé publique*.

Un plan national de prévention et de lutte contre la pandémie grippale, actualisé en 2007** envisage des mesures destinées à limiter les déplacements, les rassemblements de personnes ou le fonctionnement de la vie scolaire, culturelle ou économique afin de prévenir la contagion.  

Si le CCNE est bien conscient que ces restrictions aux libertés fondamentales pourraient s’avérer nécessaires, il attire l’attention sur le danger qu’il y aurait à les étendre au-delà de ce qui est nécessaire à la lutte contre la pandémie grippale, ou bien à cause d’une conception maximaliste (donc inadaptée), du principe de précaution, ou bien à des fins d’affichage démagogique. 

De même, il faut rappeler que tous les droits et libertés qui n’auront pas été spécifiquement écartés devront continuer à être appliqués. C’est en ce sens que l’article L 3131-1 du Code de la santé publique précité dispose que l’état d’urgence sanitaire ne dispense pas du respect de la vie privée des personnes et de la confidentialité des informations relatives à leur santé. 



*Article L3131-1 :En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population. Le ministre peut habiliter le représentant de l'Etat territorialement compétent à prendre toutes les mesures d'application de ces dispositions, y compris des mesures individuelles. Ces dernières mesures fon timmédiatement l'objet d'une information du procureur de la République. Le représentant de l'Etat dans le département et les personnes placées sous son autorité sont tenus de préserver la confidentialité des données recueillies à l'égard des tiers. Le représentant de l'Etat rend compte au ministre chargé de la santé des actions entreprises et des résultats obtenus en application du présent article.

*Article L3131-2 Le bien-fondé des mesures prises en application de l'article L. 3131-1 fait l'objet d'un examen périodique par le Haut Conseil de la santé publique selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. Il est mis fin sans délai à ces mesures dès lors qu'elles ne sont plus nécessaires.

**Document n° 40 /SGDN/PSE/PPS du 9 janvier 2007


 

Source : http://www.ccne-ethique.fr/docs/Avis%20106.pdf

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